Le XIXe parallèle : flâneries littéraires hors des sentiers battus
Abbé Grégoire Celier
Il y a le traditionnel « récit national », il y a l’actuel « politiquement correct », voire la « déconstruction historique » : bref, il y a l’Histoire officielle et convenue. Et en regard, il y a l’envers de l’Histoire, les marges oubliées, les franges suspectes : une vision tellement plus amusante, tellement plus vivante.
Faire connaître, de façon agréable, quoique parfaitement documentée, certains aspects peu connus de l’Histoire : telle est l’ambition du présent ouvrage, lequel propose une galerie de portraits, de figures (nées au XIXe siècle) de l’antilibéralisme catholique et du nationalisme français, qui eurent, en leur temps, une influence majeure.
De Drumont à Céline en passant par la Comtesse de Ségur et Mgr Benigni, de Dom Guéranger à Barrès en saluant au passage Louis Veuillot, Mgr Dupanloup ou Charles Maurras, sans oublier les grands journalistes que furent Melchior du Lac et le père Vincent de Paul Bailly, tout un passé en partie occulté renaît sous nos yeux.
Des événements (le Syllabus, le retour à la liturgie romaine), des journaux (L’Univers, La Croix), des œuvres littéraires et politiques (Scènes et doctrines du nationalisme aussi bien que Bagatelles pour un massacre), des institutions (l’Action française, la Sapinière), revivent à travers ceux qui les ont faits et vécus.
Laissez-vous entraîner dans ce « XIXe (siècle) parallèle », même s’il ne sacrifie à aucune bien-pensance, ni ne respecte les idoles du jour.
Grégoire Celier, prêtre et docteur en philosophie (Sorbonne Université), s’est spécialisé depuis plus de quarante ans dans l’histoire de l’antilibéralisme catholique et du nationalisme français au XIXe siècle.
Dans la presse
Renaissance catholique, n° 173, août-octobre 2022
Membre de la FSSPX, l'abbé Grégoire Celier est un ecclésiastique brillant, docteur en philosophie, et à l'esprit libre. Certains esprits chagrins verraient sans doute là une amusante série d'oxymores. Il n'en est rien. C'est ainsi à une promenade au milieu de figures, nées aux XIXe siècle, de l'antilibéralisme catholique et du nationalisme français que nous convie l'auteur. Il ne s'agit pas, ici, de dresser une biographie savante et exhaustive de chacun des personnages évoqués mais de s'intéresser à un aspect, particulièrement marquant, de sa personnalité ou de son action. Ainsi du rôle de Melchior du Lac à L'Univers, aux côtés de Louis Veuillot. Nous voici ainsi conduits sur les traces de Drumont, mais « sans les Juifs », de la comtesse de Ségur, de Dom Prosper Guéranger, de Louis Veuillot, de Charles Maurras, de bien d'autres encore, et même de Louis-Ferdinand Céline, dont on se demande un peu ce qu'il vient faire là. On n'ose imaginer qu'il ait été pris, à son corps défendant, dans une telle rafle… Quel bonheur de renouer l'espace de quelques pages avec la verve d'un Veuillot ou d'un Drumont, le lyrisme charnel de Barrès, la rigoureuse logique de Maurras. Ces « Flâneries littéraires hors des sentiers battus » sont vraiment une agréable récréation qui nous change de la torpeur et de la grisaille quotidiennes.
Yves Amossé
La Nef, n° 349, juillet-août 2022
En 4e de couverture, l'éditeur nous dit que Grégoire Celier est « docteur en philosophie » et qu'il « s'est spécialisé depuis plus de quarante ans dans l'histoire de l'antilibéralisme catholique et du nationalisme français au XIXe siècle ». Il aurait dû ajouter que Grégoire Celier est prêtre. On comprend bien que l'abbé Celier, dans ce livre, n'engage pas la Fraternité Saint‑Pie X dont il est membre, et que ce n'est pas sa qualité de prêtre qui a guidé le choix des onze auteurs qu'il nous présente ici. L'abbé Celier, dans tous ses écrits et de façon habituelle, aime le paradoxe, le contrepied, voire la provocation.
Ici, dans le chapitre qu'il consacre à Édouard Drumont, il évoque principalement non la question juive, mais l'influence que la doctrine sociale de l'Église a eue sur les autres combats de Drumont. Dans un des deux chapitres consacrés à Maurras, il s'oppose à la vulgate qui veut que la condamnation de l'Action française par Pie XI fût essentiellement politique et il reprend, pour l'essentiel, l'analyse de l'abbé Berto qui a exposé en 1968 les fondements doctrinaux de cette condamnation. C'est par un coup de force que Céline, né en 1894, figure dans ce recueil consacré à des auteurs du XIXe siècle, mais l'abbé Celier voulait analyser les trois célèbres pamphlets de Céline (toujours interdits de publication aujourd'hui).
Yves Chiron
Le Bulletin Célinien – 12 mai 2022
Céline sauvé par ses pamphlets ? Telle est la thèse hétérodoxe d’un prêtre catholique, docteur en philosophie. Ils sauvent, selon lui, l’œuvre célinienne « de la banalisation, de l’embourgeoisement, bref du “classicisme” ». …Comme si cette œuvre avait besoin de ça ! Jamais les lettrés ne risqueront de la trouver banale ou conformiste. Ni même classique au sens où l’entend l’auteur. Et Céline n'a aucunement besoin du scandale pour demeurer un auteur vivant, comme l’a récemment montré l’écho suscité par la découverte des manuscrits inédits. Le scandale suscité par ses écrits polémiques aurait plutôt pour effet d’écarter de lui de nombreux lecteurs. Ce scandale, l’auteur ne craint pas de l'affronter, rendant compte, de manière probe, de la teneur des “pamphlets”. (Pas tous. Mea culpa n’est pas pris en compte, ce qui est dommage car il s’y trouve un passage qui plairait au philosophe chrétien. À juste titre, il estime « Bagatelles » supérieur aux deux suivants, appréciant notamment l’épisode à l’hôpital de Leningrad, « absolument hilarant ». D’une manière générale, il estime que ce livre, en beaucoup d’endroits, est « un ouvrage intensément drôle, qui fait hurler de rire son lecteur. »
Commentaire audacieux alors que certains s’attachent aujourd’hui à culpabiliser ceux qui osent rire à la lecture de ce brûlot. À propos de L’École des cadavres, l’auteur rappelle qu’il faut se garder de verser dans l’anachronisme et rappelle que le livre a été publié en novembre 1938 : « La France n’est nullement en guerre contre l'Allemagne, encore moins envahie par les Allemands ». Et d’ajouter que ce pamphlet n’est pas un livre « collaborationniste ». Mais sait-il que, quatre ans plus tard, Céline le revendiquera comme étant « collaborateur » (avant le mot) ? Quant aux Beaux draps, il écrit que ce livre est « beaucoup plus lisible et intéressant » que le précédent. L’auteur commet, en revanche, un contresens lorsqu’il estime que Céline se contredit, ayant d’abord proclamé, rappelle-t-il, son intention de « ne jamais s’engager. » Si le pamphlétaire affirme dans Bagatelles qu'il n’a, en effet, jamais pris parti pour tel ou tel, bref qu’il n’a voulu être inféodé à personne, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’ait pas pris position. Lorsque les Allemands confisquent son or en Hollande, il écrit à Brinon : « J’espère que l’on voudra bien ne pas me “punir” d’avoir été partisan. » L'auteur n’est pas un célinien patenté. Ainsi n’apprécie-t-il guère, dans la trilogie allemande, les passages savoureux où Céline évoque sa vie à Meudon. Il assure aussi que, même lorsqu’on l’apprécie, Nord est « un peu longuet » (!).
En le lisant, on comprend que ses goûts l’orientent davantage vers des écrivains, également sulfureux, mais plus conventionnels. II a devancé le reproche qu’on pourrait lui adresser en rappelant que ces auteurs - également traités dans son livre -, pour critiquables qu’ils soient, n'ont jamais assassiné personne. Et d'ajouter ceci qui ne manque pas de force : « Quand je pense que de grands massacreurs comme Danton et Robespierre possèdent respectivement une vingtaine de rues à leur nom en France ; quand je songe qu’un archi-criminel scandaleux comme Lénine est gratifié de près de quatre-vingt-dix rues, toujours en France, je me dis que parler de Drumont, de Barrès, ou de Maurras, est vraiment permis aux honnêtes gens. »
Marc Laudelout
Politique Magazine, n° 212, avril 2022
Un livre qui mêle Drumont et la Comtesse de Ségur, Dom Guéranger et Céline, Maurras et Dupanloup, proclame assez, dès la table de matière, la liberté d'esprit et la culture de son auteur. Sous-titré Flâneries littéraires hors des sentiers battus, et nanti d'un avertissement narquois aux parents sur la faible teneur en valeurs républicaines des écrivains étudiés, ce recueil d'essais nous emmène allègrement à la redécouverte d'auteurs connus mais ici éclairés par la science de l'auteur, vivifiés par la vivacité de sa plume, enfin nettoyés de la gangue de l'histoire officielle. Voici « Drumont sans les juifs » où l'on apprend à goûter son style, son socialisme tempéré et son avis sur la Commune, dont il affirme que les pires horreurs furent déchaînées par les Bourgeois enfiévrés bien plus que par les ouvriers. Voici « L'invention d'un écrivain » qui retrace l'entrée en littérature de la Comtesse de Ségur sous l'égide de Veuillot, avec un délicieux paragraphe consacré à la Crédibilité d'Arlette de Pitray - car Grégoire Celier, quand il s'empare d'un sujet, s'abîme avec bonheur dans la joie de tout lire et le quintessencie ensuite pour notre plaisir paresseux.
On le sent baigné dans son sujet au point que lorsqu'il écrit « À cette époque le vent était à l'irréligion » on croirait qu'il a vécu 1806 et la naissance de Melchior du Lac, grand journaliste catholique qui passa par Solesmes et travailla avec Veuillot. On imagine bien, avec le méconnu Melchior, d'un essai à l'autre, comment l'auteur, fidèle à sa méthode de tout savoir sur un écrivain ou un thème, a fini, débutant par Veuillot ou Guéranger, par son intérêt pour la liturgie ou par sa tristesse à voir de grands catholiques rayés des mémoires, par esquisser cette petite constellation où Ségur, Veuillot, du Lac, Guéranger et Dupanloup se répondent, cependant que Barrès, Maurras (le chapitre qui est consacré à « L'Action française et la "politique romaine" » est parfait), Mgr Benigni, Drumont et Céline dessinent juste à côté un autre pan de ciel. À chaque fois, le politique côtoie le littéraire et on sent qu'il s'agit surtout ni de jeter aux orties un auteur sous prétexte de ses opinions, ni de l'exalter pour ses opinions au détriment de ses mérites d'ouvrier de la langue. Bref, de se promener assez librement dans les vieilles bibliothèques en oubliant un peu le bruit du siècle.
Richard de Sèze
Fiche technique
- Couverture
- souple
- Date de parution
- mars 2022
- Dimensions
- 13,5 x 20,5 cm
- Pages
- 348