Pierre-Antoine, l'Autre Cousteau
Jean-Pierre Cousteau
Préface de Franz-Olivier Giesbert.
Qui ne connaît les milliers d’heures d’exploration sous-marine du célèbre commandant Jacques-Yves Cousteau ? Qui n’a jamais parcouru l’un ou l’autre de ses albums et apprécié son style d’écriture ? Il est pourtant « un autre Cousteau », son frère aîné Pierre-Antoine, né en 1906 à Paris, journaliste, polémiste et écrivain voltairien. Son fils Jean-Pierre présente ici sans langue de bois ni complaisance celui qui fut, d’après Jean Galtier-Boissière, « le plus brillant des chroniqueurs de sa génération ».
Venu de l’extrême gauche, il évolue vers le fascisme, notamment sous l’impulsion de Pierre Gaxotte et devient avec Lucien Rebatet et Robert Brasillach l’âme du quotidien collaborationniste Je suis partout. Auteur de canulars fameux dans les années trente, on lui doit le mythe d’un Édouard Herriot promu au grade supposé de colonel de l’Armée rouge lors de sa visite en URSS, et plusieurs livres d’une écriture exquise empreinte d’impertinence : Mines de rien, Les Lois de l’hospitalité, Hugothérapie, Proust digest, ainsi que Intra-muros, journal de prison encore inédit, et un recueil de Pensées. Condamné à mort à la Libération, il parvient à plusieurs reprises lors du procès à provoquer l’hilarité de l’assistance, et reçoit le soutien de Jacques Yonnet, résistant membre du parti communiste, qui témoigne à décharge : « c’est un ennemi loyal », et celui de son frère Jacques-Yves, résistant lui aussi, qui ose revêtir pour l’occasion son uniforme d’officier de marine, ce que De Gaulle ne lui pardonnera jamais. Gracié par Vincent Auriol en 1947, libéré en juillet 1953, il meurt prématurément des suites de sa captivité en 1958.
Cardiologue, le professeur Jean-Pierre Cousteau est le fils de Pierre-Antoine. Il avait cinq ans lorsque son père quitta Paris en catastrophe avec sa mère en août 1944, et ne le revit, derrière les grilles de Fresnes, que cinq ans plus tard, pour ne l’embrasser, enfin, qu’à sa sortie de prison en juillet 1953.
Jean-Pierre et sa sœur Françoise furent d’abord recueillis à Sanary pendant deux années par leur oncle Jacques-Yves, le commandant et futur académicien, et leur tante Simone (la future “bergère” de la Calypso) puis par leurs grands-parents en Angleterre où ils furent pensionnaires pendant cinq ans. Ils vécurent avec PAC quatre des cinq années qui s’écoulèrent de sa libération à sa mort en décembre 1958.
Dans la presse
Cercle Non Conforme, Haut et Fort
Figure souvent oubliée ou négligée du combat de plume mené sous l'Occupation, Pierre-Antoine Cousteau -ou PAC- (1906-1958), le frère aîné du célèbre commandant Cousteau (d'où le titre : l'autre Cousteau) méritait d'être remis à l'honneur. Si plusieurs publications récentes (son Proust digest ou le recueil d'articles de Je Suis Partout que j'avais chroniqué en ces pages) ont permis de redonner une certaine actualité à ce talentueux et louable combattant qui fut « le plus grand polémiste de sa génération » selon certains, il nous manquait à son sujet une biographie en bonne et due forme venant compléter l'étude de Benoît Loeuillet consacrée au parcours journalistique de PAC entre 1932 et 1944 et qui avait paru il y a une bonne dizaine d'années maintenant.
Ecrite par son fils, Jean-Pierre Cousteau, la présente biographie se base sur un corpus de documents souvent inédits, à savoir la correspondance de PAC (avec sa femme lorsqu'il était détenu mais pas seulement) et son journal de prison (Intra muros, qui devrait être publié prochainement pour la première fois). Si l'auteur s'efforce de rester objectif quant au parcours et aux choix de son père, son témoignage est évidemment emprunt d'amour filial mais aussi d'une certaine fierté exprimée très élégamment. Et il peut être fier : PAC n'était pas n'importe qui !
Esprit vif et alerte dès son plus jeune âge, cultivant la liberté de pensée, PAC ne faisait pas partie des tièdes. C'était un homme d'engagement, ne pouvant se résoudre à rester silencieux en une période qu'il savait fondamentale pour l'avenir de l'Europe. Pacifiste depuis toujours mais abusivement présenté comme un horrible « nazi français », PAC l'inclassable (« anarchiste de droite et de gauche » selon son fils) paya comme tant d'autres le prix fort pour avoir été un ennemi implacable de la démocratie parlementaire et du communisme...
Rien ne le prédisposait pourtant à un tel destin... Ni sa famille, ni son parcours scolaire, ni même ses premières idées politiques très à gauche. Devenu journaliste au début des années 1930, il se fait vite remarquer par la qualité de ses écrits et embrasse la cause fasciste auprès de Pierre Gaxotte qui le fait rejoindre le fameux journal Je Suis Partout. PAC y vécut une véritable aventure de presse marquée par des amitiés qui le suivront toute sa vie (Brasillach, Soupault... mais surtout Rebatet) et un engagement sans faille pour une France régénérée au sein d'une nouvelle Europe. Très critique envers Vichy, Laval, Luchaire et même Abetz, PAC fait figure de dur au sein du petit monde de la collaboration jusqu'à ce que les événements de 1944 le poussent à fuir en Allemagne puis en Autriche. Arrêté fin 1945 par la police française, il est condamné à mort. Comme on le sait, PAC ne connaîtra pas le sort qui fut réservé à Brasillach. Il passera 8 ans en prison, ayant finalement été gracié -au même titre que Rebatet et d'autres- par Vincent Auriol. Dernier journaliste « collaborateur » à être libéré en France, il sortira affaibli de cette longue épreuve et sera terrassé par la maladie en 1958, à seulement 52 ans.
La particularité du livre de Jean-Pierre Cousteau est qu'il fait la part belle aux huit années de prison que subit son père. Ce dernier, dans les écrits mentionnés plus haut, fait état de son quotidien de prisonnier, de ses occupations (le sport mais surtout la lecture et l'écriture) mais aussi de ses pensées les plus profondes sur son parcours, la vie, son époque etc. Je me suis délecté de ces nombreuses pages de réflexion d'un homme libre (par l'esprit) ne se plaignant jamais de son sort et qui regarde de haut la comédie humaine et sa petitesse. Voici par exemple ce que PAC écrivit le 9 juin 1953, peu avant sa sortie de prison :
« Ce n'est pas parce que je refuse toute valeur à la loi du nombre érigée en système de gouvernement qu'il faut méconnaître les indications du suffrage universel. Le système est déplorable pour l'administration de la chose publique. Mais il est précieux (…) dans la mesure où il permet de savoir ce que veut une nation. Elle se juge à son choix. Les peuples « asservis » ont le bénéfice du doute. Pas les peuples démocratiques. Les Français ont trop montré qu'ils préféraient à quiconque Herriot, Blum, Auriol, Bidault, Moch et Teitgen pour qu'il soit possible de s'obstiner à les estimer. »
Servies par un style d'écriture savoureux, une grande intelligence et souvent même par un humour très fin, ces pages permettent de mieux comprendre ce personnage perdu dans une période si vile de l'histoire contemporaine (la « libération » et tout ce qui a suivi). Bien évidemment, les événements liés à l'épuration sauvage de notre pays sont souvent évoqués alors que lui croupit derrière les barreaux. PAC constate à quel point les vainqueurs et leur simulacre de justice salissent ceux qui ont cru dans un autre modèle pour l'Europe :
« Le sadisme des « épurateurs » consiste justement à créer cette confusion en mélangeant sous l'étiquette « collaborateurs » les adversaires politiques et les simples fripouilles dont il aurait fallu de toute façon se débarrasser même si la guerre avait tourné autrement. »
Feignant de s'étonner des horreurs de l'épuration, « effroyable explosion de bestialité », il ironise sur le silence des « belles âmes » de son temps :
« Elles n'ont rien su, rien vu, rien entendu. Elles ont ignoré que dans les villes de France on promenait sur les places publiques des femmes tondues, nues, marquées au fer rouge. Elles ont ignoré que dans toutes les prisons de France, on suppliciait des détenus ramassés au petit bonheur, avec des raffinements de férocité qui font paraître dérisoire la science des bourreaux chinois. (…) pour rien, pour le plaisir. »
Vomissant la faiblesse et la tiédeur (Mais pourquoi avoir choisi Franz-Olivier Giesbert pour préfacer le livre ? PAC en aurait été horrifié!), PAC était de cette race d'hommes faisant passer l'honneur avant tout. Il se tint toute sa vie la tête haute et paya fort cher (que ce soit à un niveau personnel ou familial) cette vertu. Vouloir combattre pour ses idées, ne pas se taire face à la décadence de son temps, il en avait fait sa raison de vivre. « Je n'ai à me justifier devant personne. Une seule chose était inconcevablement déshonorante, c'était de ne pas prendre parti. » disait-il... Oui, PAC a souhaité la victoire de l'Allemagne nationale-socialiste, « la dernière chance de l'homme blanc ». C'était logique pour lui et il s'en expliqua longuement lors de son procès, en 1946. « Epouvanté par la décadence de la France » ayant mené à la débâcle de 1940, persuadé que le libéralisme économique avait fait son temps et que seule l'option du socialisme national était désormais possible, PAC considérait qu'il n'y avait que cette solution qui aurait permis à la France de rester elle-même et d'aller de l'avant. Pacifiste, son antisémitisme se voulait avant tout une réaction à la déclaration de guerre des communautés juives du monde entier envers le IIIe Reich dès 1933.
Pierre-Antoine, l'autre Cousteau est complété de riches annexes où l'on trouvera plusieurs articles de PAC écrits dans les dernières années de sa vie pour Rivarol ou d'autres publications. C'est une excellente initiative ! Le livre se termine d'ailleurs par le superbe et émouvant « Testament et tombeau de PAC » publié par Lucien Rebatet peu après la mort de son ami. Je ne résiste pas à l'envie d'en reproduire les dernières lignes :
« Nous ne pouvons, hélas ! Ni remplacer PAC ni l'imiter. Il est irremplaçable et inimitable. Il ne nous reste qu'à poursuivre notre tâche de notre mieux. Quand bien même nous serions recrus de dégoût et de lassitude devant les bassesses et la monotonie de la lutte politique, la disparition de Cousteau nous fait un devoir de persévérer. Nous le lui avons tous promis. Je sais que ce fut une de ses dernières satisfactions. Peut-il exister promesse plus sacrée que celle faite à un tel combattant ? »
Rüdiger / C.N.C.
Action Familiale et Scolaire, n°248, décembre 2016
1. Introduction
Le livre écrit par Jean-Pierre Cousteau paraît étonnant dès sa "note au lecteur". Son auteur est en effet le fils de Pierre-Antoine Cousteau (1906-1958) et également le neveu de Jacques-Yves, le commandant de la "Calypso", né quatre ans après Pierre. Visiblement sa piété filiale lui a fait écrire cette rectification", mais il qualifie ce témoignage "d'histoire d'un homme de lettres qui a mal écrit, parce qu'il a mal pensé". Et il ajoute en fin de note: "J'ajoute que l'on ne peut comprendre (je n'ai pas dit admettre) l'attitude de mon père si, entre autres morceaux de puzzle, manquent pacifisme, virus politique (?), engagement. > Et il termine en définissant cet engagement, comme gravé dans son ADN: "Je n'ai à me justifier devant personne. Une seule chose était inconcevablement déshonorante, c'était de ne pas prendre parti." En somme, PAC (son surnom amical) ne voulait pas être le veau que définissait le général De Gaulle en parlant des Français.
La deuxième "étrangeté" pourrait être la préface écrite par FO. Giesbert (son diminutif est FOG, comme le brouillard anglais) qui commence par : "Il y a quelque chose de fascinant chez les enfants de salauds [sic], de criminels [resic], de nazis ou de collabos qui continuent à aimer leurs parents envers et contre tout. Contre Ia vérité notamment [!!!]". À la fin, il écrit : "l'amour filial a parfois ses raisons que la raison ne connaît pas…" Or, si dans les milieux dits "de droite", PAC est connu pour avoir fondé Lectures Françaises avec Henry Coston, le CV de FOG peut expliquer le ton de cette préface. Et ce n'est pas en son honneur.
Il semble qu'il y ait de tout dans la vie de PAC ; difficile à classer : extrême gauche, anarchiste, révolutionnaire, "fasciste", nationaliste, pacifiste ? Tenté parfois par la religion catholique (grâce aux aumôniers qu'il a contactés dans ses prisons), beaucoup moins par le royalisme. De toute façon d'une grande honnêteté: il va refuser de s'évader d'un camp de réfugiés, car il avait donné sa parole de ne pas le faire.
2. La vie de Pierre-Antoine, racontée par son fils Jean-Pierre
On va parcourir la vie de "PAC" : enfance bourgeoise, éducation un peu "ballotée du fait des pérégrinations de son aventurier de père". À 11 ans (1917),il affiche un patriotisme dont on lui reprochera plus tard l'insuffisance : "Delenda est Germania" et "je ne voudrais pas que l'on dise : ton père est un embusqué. Ses débuts de "scribouillard" commencent en 1924, mais plutôt dans les écritures comptables. La même année, son frère Jacques-Yves, renvoyé de plusieurs lycées, est expédié chez un précepteur musclé qui arriva, "in extremis, à lui faire intégrer Navale" (à la deuxième tentative !).
3. L'antimilitariste en guerre contre l'Allemagne
De son côté, l'antimilitariste Pierre va devancer l'appel en 1925, avec une brillante carrière à la météo ! Deux ans après, il intègre la CIM (Cie Industrielle et Maritime) en tant que traducteur. Pas longtemps, car l'amour le fait s'embarquer pour New-York pour y retrouver Ruth Hearty qui s'empresse de le laisser tomber. Son expérience américaine est désastreuse (Il ne fait pas mention de la grande dépression financière mondiale). Rentré en France, sa connaissance de l'anglais le sauve du chômage : l'écrivain Titayna (Élisabeth Sauvy-Tisseyre) le recommande au journal Le journal de J. de Marsillac. il tombe amoureux de la secrétaire de Titayna qui sera sa femme, la mère de ses enfants et partagera sa vie de galère. L'écroulement de la colline de Fourvière à Lyon, dans la nuit du 12 au 13 novembre 1930, lui donne l'occasion de faire un article qui permet au journal de communiquer avant les autres. Il accumule les piges et les connaissances, pour la première fois confronté à des journalistes de droite. Il dénonce alors à sa tante de Bordeaux "le monde entre le journalisme et Ia littérature,...l'impassable précipice entre le journalisme et la pensée libre" (NDLR: que dirait-il aujourd'hui ?). "Quelques années plus tard, dans Je suis partout, il écrira ce qu'il veut, ce qu'il pense, libre de toute contrainte. Il le paiera cher." En 1930, Arthème Fayard confie à Pierre Gaxotte la direction de Je suis partout ("Le fascisme que nous prêchait Gaxotte nous séduisait…"). La trahison de Gaxotte fut pour lui la plus cruelle désillusion de sa vie.
4. Après la fin de la guerre, sa condamnation et sa vie dans les prisons
Nous laissons le lecteur lire les 40 pages qui vont le porter jusqu'à l'arrestation de Pierre-Antoine et à sa condamnation fin 1945, en remarquant surtout la mention de son fils : "Mon père eût pu aussi chaque jour, sans aucune difficulté, demander asile en zone américaine ou anglaise. Il ne le fit pas plus que de s'engager à Ia Légion Etrangère - il l'a un moment sérieusement envisagé - il avait donné sa parole…"
Ensuite, 140 pages relatent sa vie en prison. "Dans aucune de ses lettres à sa femme, PAC ne se plaint de ses conditions de détention", pourtant très difficiles pour ces condamnés politiques. On pourrait comparer avec le récit de la détention du général Zeller, dans le journal découvert par son fils (recension dans le n' 237 d'AFS, février 2015).
5. À sa libération
Libéré en juillet 1953, il se voit confirmer par sa femme la décision de ne pas reprendre la vie en commun. La pauvre femme a un cancer cérébral (à 43 ans). Pierre-Antoine apprend en mars 54 à son fils, l'auteur du livre, le décès de sa mère. À la rentrée de septembre, Jean-Pierre rentre au lycée Janson de Sailly où, "pour la première fois, il fut montré du doigt, en tant que fils de…" À remarquer que dans ce lycée bien bourgeois du très chic 16e arrondissement de Paris, le professeur de philo consacra l'année entière à Marx. L'auteur se demande encore "comment aucun élève, moi le premier, n'en a-t-il fait part à ses parents ou protesté en cours ? Comment le proviseur de Janson a-t-il occulté année après année un tel scandale ? En octobre 1954,il se remarie avec une femme qui a une "fille de 6 ans que PAC aimera comme sa propre fille et qui le lui rendit". Pour le choix de la profession de son fils, PAC lui écrivit une lettre où il "vantait" les mérites des arrivistes et qui se termine par : "seulement, mon fils, tu veux peut-être éviter d'être obligé de te mépriser toi-même. Dans ce cas, mettons que je n'ai rien dit."
Avant de mourir d'un cancer du côlon en 1958, il confie son fils à son frère, le marin Jean Galtier-Boissière dira : "Cousteau fut le plus grand journaliste de la collaboration... une droiture et un courage qui m'avaient vivement impressionné. C'était un des derniers journalistes qui refusait de se coucher et de demander pardon."
Henri Coston: "PAC fut une des grandes plumes du journalisme français."
6. Retour sur Ia fin de sa vie
Entre temps, il avait collaboré à Rivarol (J. Madiran, R. Malliavin) après sa levée d'interdiction de séjour à Paris, avait publié avec Rebatet les Dialogues, écrits à Clairvaux. Au bord de la misère, il vit de traductions. Ses amis, Charbonneau (emprisonné à la "Libération") et Coston (condamné aussi aux travaux forcés à perpétuité à la "Libération" et qui créa Lectures Françaises avec PAC éditèrent quelques ouvrages composés en prison. Il rencontra beaucoup de personnalités de droite, mais aussi d'autres personnalités comme Louis Malle, rendit visite à d'obscurs taulards et revit aussi ses "geôliers" d'Autriche (voir les pages relatant la fin de la guerre).
7. Conclusion
Voilà une vie bien remplie d'un homme honnête dans une époque qui n'était pas faite pour lui, comme il le montre à son fils dans la lettre citée, inclassable sur l'échiquier politique actuel, pacifiste car obnubilé par les horreurs de la guerre de 14-18, écœuré des différents scandales de la troisième République. "Après les accords de Munich, il déclare : "Tout de même, un jour il faudra dire non à l'Allemagne"." Ses articles fustigeant aux États-Unis le Ku Klux Klan, le racisme, la corruption, l'hypocrisie de la prohibition, le capitalisme roi ne lui attirèrent aucune bonne note lors de son procès : c'eût été une attaque contre une Amérique qui venait de libérer la France. Même sa libération d'un camp en Thuringe au bout de 14 mois ("seulement" dira le commissaire du gouvernement), lui fut reprochée. Ne doit-on pas comparer cette fidélité à ses options de type anarchistes, avec l'attitude d'hommes comme Thorez, déserteur, ou Mitterrand, décoré par Pétain de la Francisque ?
Ce livre est donc à recommander pour les personnes férues d'histoire qui veulent avoir un témoignage plus précis sur ces réprouvés français de "la drôle de guerre" et les prisons de la République. Une place importante (60 pages) est réservée aux annexes qui complètent utilement cette biographie.
En conclusion, on reprendra la fable de La Fontaine les animaux malades de la peste pour montrer que les vainqueurs, les puissants du jour, sont obligés de crier haro sur le baudet, sinon ils perdent la face et leur situation. Le loup et l'agneau complèteront le tableau. La raison du plus fort est toujours la meilleure.
RdE
Terre et Peuple, numéro 71, printemps 2017
Pierre-Antoine Cousteau, PAC pour ses amis, est né le 18 mars 1906, à Saint-André-de-Cubzac et mort le 17 décembre 1958. Il était le frère du commandant Jean-Yves Cousteau. C'est en 1930, "par hasard", disait-il, qu'il entra au Journal. Ce fut pour lui la révélation de sa vocation journalistique. Il fut à tous les postes qu'un journal peut offrir. Issu "de l'extrême gauche de l'extrême gauche", c'est lui qui le raconte, le "plus voltairien de nous tous", selon Rebatet, il évoluera vers le fascisme intégral et en 1933, il devint l'un des collaborateurs avec, entre autres, Brasillach et Rebatet, de Je Suis Partout, que la maison d'édition Fayard venait de fonder sous la direction de Pierre Gaxotte.
Prisonnier de guerre en 1940, libéré un an et demi après, il reprit sa place à Je Suis Partout et en devint, en 1942, le rédacteur en chef, puis le directeur politique en 1943, après le départ de Robert Brasillach. À la même époque, il entra à Paris-Soir comme rédacteur en chef. D'un esprit mordant et perçant dès son plus jeune âge, cultivant la liberté de pensée, PAC ne faisait pas partie des tièdes et des mous. C'était un militant qui ne pouvait se résoudre à rester inactif dans une période qu'il savait fondamentale pour l'avenir de l'Europe et de la race blanche. Cet engagement il le paiera, pour avoir été un ennemi implacable de la démocratie parlementaire et du communisme, d'une condamnation à mort en 1946. Gracié à Pâques 1947 par le président Vincent Auriol après 141 jours de chaînes, il passe huit années à la centrale de Clairvaux et à celle d'Eysse. Libéré en 1954, il reprend naturellement sa place dans la presse d'Opposition nationale. Avec un tel bonhomme, bon sang ne saurait mentir ! La lecture de la biographie que vient de réaliser son fils Jean-Pierre Cousteau, Pierre-Antoine, l'autre Cousteau, ne dément pas cet adage.
Cette biographie, d'un style racé, est principalement basée sur la correspondance de PAC avec son épouse Fernande lorsqu'il était en détention et sur son journal de prison. Si le fils s'efforce de rester objectif quant au parcours et aux choix de son père, son témoignage est évidemment empreint d'amour filial et d'une certaine fierté exprimée très élégamment. Eh oui, il peut être fier : PAC n'était pas n'importe qui ! L'intérêt de cette biographie c'est qu'elle fait la part belle aux huit années de prison subies par PAC, où il fait état de son quotidien de prisonnier, de ses occupations, du sport mais surtout la lecture et l'écriture. Il revient sur son parcours, la vie, son époque, sans jamais rien renier ni regretter. Oui, PAC a souhaité la victoire de l'Allemagne national me-socialiste, "la dernière chance de l'homme blanc". C'était logique pour lui qui était persuadé que la ploutocratie économique avait fait son temps et que seul l'option du socialisme national était désormais envisageable. PAC considérait qu'il n'y avait pas que cette solution qui pût permettre à la France de rester elle-même pour aller de l'avant. Pacifiste, son antisémitisme se voulait avant tout une réaction à la déclaration de guerre des communautés juives du monde entier envers le IIIe Reich dès 1933. Il haïssait les faibles et les neutres car il était de cette race d'hommes à la tête haute pour qu'il honneur est la vertu suprême.
Pierre-Antoine, l'autre Cousteau est complété de nombreuses annexes où l'on trouvera plusieurs articles de PAC écrits dans les dernières années de sa vie, principalement pour Rivarol et Lectures. Un livre passionnant sur un homme qui en avait et qui n'a pas hésité à mettre sa peau au bout de ses idées. Seul bémol : que vient faire cet opportuniste mollasson de Franz-Olivier Ginsberg dans cet ouvrage.
Le Point, février 2018
Dans l’âme d’un collabo
Journal. Ce n’est pas parce qu’on a été un affreux collabo, sans honte ni excuse, qu’on écrit que des bêtises. Extrait d’acte un grand chef de je suis partout, journal antisémite où avait sévi l'infâme Robert Brasillach, Pierre-Antoine Cousteau (photo), frère de l’illustrissime Jacques-Yves, le navigateur au bonnet rouge, fut incarcéré à Fresnes en 1946. Jusqu’en 1953 il tient un journal, qui vient d’être publié, 59 ans après sa mort.
"Intra-muros" est un gros livre qui ne ressemble à rien, mélange de carnets, de souvenirs, d’aphorismes, de considérations littéraires ou politiques. Qui éprouve un intérêt morbide et horrifié pour le Mal entrera dans cet ouvrage sur la pointe des pieds, de peur de se salir, mais sera vite pris par sa force truculente, même si Cousteau ne manifestent à aucun moment de regrets. Nous sommes là dans l'âme d’un vrai collabo qui ne cache rien de ses fureurs, de ses douleurs.
C’est écrit dans cette langue célinienne (sans les trois points) qui est la marque d’une certaine littérature d’extrême droite. Atterrantes sont presque toutes les analystes politiques, mais Pierre-Antoine Cousteau peut devenir passionnant quand, dans sa geôle, il écrit sur la littérature ou au fil des "pensées" qui ne sont pas dénuées d’humour. Par exemple : « A l'échelle de mon univers, l’épuration est ratée puisque je suis vivant. » Ou encore : « Ce sont les choses sérieuses qu’il faut surtout éviter de prendre au sérieux. Pour les autres c’est trop facile. »
Franz-Olivier Giesbert
Fiche technique
- Couverture
- souple
- Date de parution
- mai 2016
- Dimensions
- 13,5 x 20,5 cm
- Pages
- 390