

Cette complainte des enfants martyrs des Lucs-sur-Boulogne, si souvent entonnée en veillée scoute, le Père Jean-Paul Argouarc’h a entrepris d’en faire, non pas une éloquente cinéscénie (Philippe de Villiers) ni un magistral plaidoyer historique (Reynald Secher), mais une vibrante rétrospective historique et religieuse pour en relancer la cause de béatification.
Le corps mystique de la Vendée fut sanctifié par sa Passion. L’entrée de la Vendée dans les mystères douloureux fut celle du Christ commençant son long chemin de croix… Toute la Vendée fut ensanglantée, comme une sueur de sang imprégnant le bocage et le marais.
Qui séchera les larmes de la Vendée comme Marie-Madeleine et sainte Véronique, essuyant le visage du Christ couvert de sang et de crachats ? La Vendée a offert ses enfants innocents et notamment ses bons prêtres, ce livre le rappelle en attendant que la Congrégation des Saints se penche sur la canonisation de ses martyrs.
En revivant cette Passion de la Vendée, au style inimitable, à la fois globale et intime, nous sommes plongés au cœur d’une épopée de résurrection.
Le Père Jean-Paul Argouarc’h est né en 1947 aux Sables-d’Olonne d’une mère vendéenne et d’un père breton, officier. Dans le sillage spirituel du Père Sevin et du Père Revet, il nous a transmis le flambeau d’un scoutisme de feu avec Riaumont, passion et résurrection (Via Romana, 2007) et Pro Patria (Via Romana, 2014, prix Renaissance 2018). Il nous offre ici une ode spirituelle à la Vendée martyre.
Dès la couverture de cet ouvrage, due à un bénédictin de Sainte-Marie-de-La-Garde, fondation du Barroux, traitée sur un mode à la fois naïf et riche avec ses mères portant des enfants tout petits, ses soldats au regard méchant, son prêtre, la poitrine frappée du cœur rouge surmonté de la croix, et son ciel où le Christ et les anges portent aussi des enfants revêtus de blanc, nous sommes au cœur du sujet : le Père Jean-Paul Argouarc'h, breton par son père, mais vendéen par sa mère, aimerait voir béatifiés et canonisés les jeunes enfants massacrés, martyrisés au cours de la guerre de Vendée, notamment aux Lucs, terre sainte de la France.
Dans la belle préface qu'il donne à ce livre, « vibrante rétrospective historique et religieuse » pour relancer la cause de béatification de ces victimes des colonnes infernales, le cardinal Robert Sarah ne manque pas de rappeler les propos de Soljenitsyne venu en Vendée, en septembre 1993, fustiger la lâcheté des pays occidentaux libertaires et mondialistes et annoncer leur déclin dû en grande partie « à la destruction de trois « murs porteurs » que sont la Vie, la Famille et la Tradition, c'est-à-dire l'enracinement dans la foi catholique et la civilisation qu'elle a engendrée ». « L'honneur de Dieu ne se discute pas », rappelle-t-il, et « les Vendéens ont donné l'exemple de la bravoure, celle du chevalier chrétien. » « Il y aura des saints parmi les enfants » assurait déjà saint Pie X.
Le Père Argouarc'h nous apprend à regarder « le plus beau diocèse du monde ». Sans être un magistral plaidoyer historique, comme l'œuvre de Reynald Secher, son livre nous fait comme directement participer à la vie et aux réactions des Vendéens devant l'épreuve et devant les agissements des furieux décidés à tuer leur âme et leur foi.
Non seulement, nous entrons dans le déroulement tragique des événements, mais nous faisons la connaissance des héros et des victimes des hordes révolutionnaires, et le Père Argouarc'h nous présente à des personnalités qu'il ne nous revient pas de canoniser, mais qu'il nous est permis de trouver bien édifiants et qui, après cette période tragique, ont poursuivi l'exemple catholique des Vendéens et se sont distingués comme des successeurs exemplaires. La liste est longue. Nous y trouvons Mgr Antoine-Marie Cazaux, évêque de Luçon, qui a demandé à Rome la béatification des 110 petits enfants des Lucs, qui ont été massacrés alors qu'ils n'avaient pas sept ans ; un très saint prêtre, le vénérable Louis-Marie Baudouin ; un saint oublié : l'abbé Pierre Monnereau (17871856) ; une belle âme sacerdotale : Mgr Casimir Deval, curé archiprêtre de La Roche-sur-Yon ; un grand prédicateur, Mgr Gabriel Martin (1873-1949) ; la Sainte Famille à la Ribastière ; la petite Vendéenne des Rinfillières Claire Ferchaud (1896-1972) qui pendant la Grande Guerre et sur la recommandation du Christ alla demander au président de la République d'orner le drapeau français du Cœur de Jésus... Démarche vaine ! Bref une théorie de belles âmes qui n'hésitaient pas à accomplir par amour ce que les circonstances souvent hostiles leur imposaient. Elles suivaient leur chemin vers la croix dont on entend si peu parler aujourd'hui. Il s'agit en effet de la Passion de la Vendée, ce qu'elle a souffert sur le chemin de croix imposé par la Révolution. ll s'agit aussi de l'amour passionné du Père Argouarc'h pour cette région de la France dont il nous offre les cartes, ainsi qu'un très précieux dossier contenant les références de toutes les victimes identifiées. Une véritable synthèse sur le martyrologe, avec la liste des petits enfants martyrisés aux Lucs le 28 février 1794.
Dans sa postface, Rémi Fontaine, dont toute la vie fut marquée par le scoutisme, prolonge en quelque sorte le supplice de la Vendée en projetant l'image du martyre sur les chrétiens et catholiques aujourd'hui persécutés : « Si le martyre est une grâce de la Providence qu'il ne faut pas chercher, écrit-il, qui peut toucher même des enfants innocents par leur massacre impitoyable, cela ne veut pas dire qu'il faut se résigner au sort fait par exemple de nos jours à certains chrétiens d'Orient ni ne pas leur apporter notre soutien fraternel outre la prière, par l'action, l'aumône, la charité personnelle et la charité politique... Seul un amour surnaturel peut offrir la grâce du martyre avec l'aide de la communion des saints et de la Reine des martyrs au pied de la Croix. » L’histoire du christianisme reste liée à la persécution des chrétiens.
Jacques Dhaussy
Fiche technique